D'or et de cendres by Virginia C. Andrews

D'or et de cendres by Virginia C. Andrews

Auteur:Virginia C. Andrews [Andrews, Virginia C.]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: J'ai Lu
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


9

Regards volés

Par ces nuits chaudes où des nuages impalpables laissent filtrer les rayons de lune, j'allais m'asseoir sur notre ponton, le bout de mes pieds nus juste au-dessus de l'eau qui léchait doucement les pilotis, et je guettais l'appel des ratons laveurs. Il m'évoquait tellement le cri d'un enfant... Et je pensais à Paul, qui avait tellement grandi au cours de ces trois ans. Il m'était arrivé de l'apercevoir en ville, ou à l'église, quand ses parents l'y emmenaient. Dieu me pardonne, mais j'y allais surtout dans l'espoir de voir mon bébé, bien plus que pour la messe. Pourtant, Gladys laissait souvent Paul aux soins de sa nourrice, le dimanche. Elle n'aimait pas s'encombrer d'un enfant quand elle sortait, paraît-il. Moi, cela ne m'aurait pas gênée du tout, oh non !

Le duvet clair que Paul avait sur la tête en venant au monde avait fait place à une épaisse tignasse blonde, où se mêlaient quelques mèches d'or bruni. Ses yeux bleus avaient la transparence du ciel matinal quand le soleil monte à l'horizon.

Où que ce fut, à l'église ou en ville, si Gladys remarquait que j'avais attiré l'attention de Paul elle s'empressait de le tirer de côté, pour lui faire un écran de son corps et le cacher à ma vue. Il m'était difficile de m'approcher de lui. Une seule fois, alors que les Tate quittaient l'église où je m'étais attardée à dessein, je me trouvai à quelques centimètres de mon bébé. Je pus voir de tout près ses mains délicates, son teint de pêche, et j'entendis son rire cristallin quand il se retourna vers moi. Il sourit et ses yeux s'illuminèrent. Il était en bonne santé, heureux et bien nourri, et je m'en réjouissais. Mais en même temps j'éprouvais de la tristesse à la pensée qu'il était mieux chez ces gens riches qu'avec moi, qui avais si peu à lui offrir.

Il portait ce jour-là un ravissant petit costume marin, avec des souliers blancs immaculés. On voyait bien qu'il avait tout ce qu'il lui fallait, tout ce qu'il pouvait désirer. Qu'il était bien portant, vigoureux, et aimé. Je n'étais pour lui qu'une passante de plus, une inconnue, et pourtant son regard s'attarda suffisamment sur moi pour attirer l'attention de Gladys. Quand elle se retourna et m'aperçut, son visage s'enflamma de colère. Elle raidit les épaules et s'éloigna en hâte, plantant là Octavius qui en resta tout interdit. Elle lui murmura quelques mots en passant et il se retourna lui aussi. A ma vue, il grimaça comme sous l'effet d'une douleur subite et s'empressa de rejoindre sa femme, qui avait déjà remis Paul aux bras de sa nurse comme s'il s'agissait d'un paquet. Il fut emporté dans la luxueuse voiture des Tate et, quelques instants plus tard, elle démarra dans un tourbillon de poussière.

Je ne pouvais pas m'empêcher d'essayer d'apercevoir Paul le plus souvent possible, j'avais besoin de le voir se développer, se transformer. Je gardais précieusement une certaine photographie, découpée dans la rubrique mondaine du journal local, où l'on voyait Paul entre Gladys et Octavius.



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